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01/12/2023

Tribune : "Femmes, violences et VIH : une réalité étouffée"

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le VIH et alors que l’aide médicale d’Etat est en débat parlementaire, il faut rappeler une réalité passée sous silence : la violence est l’autre phénomène épidémique dans les parcours de vie des femmes vivant avec le VIH.

En France, 60 % des femmes diagnostiquées séropositives au VIH sont nées à l’étranger. Dans les faits, les violences qu’elles subissent dans leur pays d’origine ou le long du parcours migratoire ne cessent pas une fois traversée la Lybie ou la méditerranée. En France, l’isolement, l’instabilité ou l’absence d’un logement et la précarité administrative et économique exposent les femmes aux violences sexuelles, qui à leur tour augmentent les risques d’être infectées sur notre territoire par le VIH. La maladie devient elle-même facteur de stigmatisation et de rejet avec des conséquences dramatiques pour la santé mentale, et, lorsqu’elle n’est pas bien traitée, pour la santé physique.

Dans leur quotidien, les femmes immigrées accueillies par l’association Ikambere subissent déjà la triple peine de la précarité, de l’exil et de la maladie. A cette triple peine, une quatrième menace régulièrement de s’ajouter, celle de la privation des soins tels qu’ils sont actuellement offerts à cette population vulnérable, autant par souci d’humanité fondamental que dans une saine logique de santé publique. Un équilibre nécessaire, réaffirmé par la commission des lois de l’Assemblée Nationale.

Cette menace continue malgré tout de planer, au-dessus des violences, bien réelles, que notre mission de protection des droits des femmes vulnérables nous oblige moralement à dénoncer. C’est pourquoi, nous avons le devoir de sensibiliser l’opinion à cet enjeu de santé publique et d’humanité.

Ces violences, si l’on veut bien les regarder en face, montrent l’inanité de l’idée d’un « appel d’air migratoire » par le soin. De nombreuses femmes subissent avant tout dans leur pays d’origine des violences insoutenables qui les conduisent à fuir, à opérer contre elle-même ce déchirement qu’est l’exil, juste pour survivre. Faudrait-il aussi cesser de lutter en France contre les violences faites aux femmes exilées pour éviter qu’elles ne s’y réfugient ?

Une fois dressé ce constat on peut choisir de l’ignorer, c’est probablement le plus confortable. On peut choisir de montrer du doigt la victime plutôt que le mal, c’est peut-être le plus facile. Point de jugement : dans un contexte de crises sociales, environnementales et humanitaires sans précédent, l’être humain choisit naturellement les sujets qui le touchent personnellement mais lorsqu’il est en situation de responsabilité il lui incombe de prendre des décisions avec la plus grande objectivité possible.

On peut donc aussi agir au quotidien, pour soulager, réparer, libérer, c’est ce que font de nombreuses associations soutenues par les pouvoirs publics et des mécènes sensibilisés sur le sujet sans rien attendre en retour, ni lauriers ni satisfecit.

Le secteur associatif, aux côtés d’établissements médicaux-sociaux, innove dans ce domaine. Des structures tentent de plus en plus d’opérer une prise en charge globale des publics concernés, en s’adressant à toutes leurs vulnérabilités, pour leur permettre d’accéder efficacement à l’autonomie et de quitter les dispositifs d’aide, si indispensables aux plus précaires.

Là se situe la véritable économie pour le pays qui a tant de défis majeurs à affronter.