Texte rédigé par Sandra Reinflet, photographe à l’origine du projet 

Trente-deux reines de France sont enterrées à la Basilique Saint-Denis. Les vitraux et les gisantes rappellent la place qu’elles ont prises dans l’histoire de France. Elles reposent au cœur de cette ville de Seine-Saint-Denis où il est pour les femmes plus difficiles qu’ailleurs de s’épanouir. Parce qu’elles portent la charge mentale de leurs familles et vivent souvent dans un contexte de grande précarité, il y a dans cette présence un anachronisme, presque une provocation de l’histoire. On visite, regarde, admire les reines de France mais les reines d’aujourd’hui, celles qui portent l’avenir d’un royaume ébranlé sur leurs épaules en travaillant, montant des projets locaux, élevant des enfants et soutenant leur communauté, on fait peu de cas.  

Le travail des Reines cherche à mettre en lumière ces parcours de femmes qui, par leur résilience, leur courage et leur détermination, sont les reines d’aujourd’hui. Elles ont vécu des traumatismes et dépassent des montagnes d’obstacles au quotidien, bref, elles reprennent leur souveraineté.  

L’idée est de projeter des vitraux de la Basilique sur les corps de ces femmes, comme pour couronner, bâtir des ponts entre ces destinées que tout sépare, mais qui ont en commun de partager cette même souveraineté.  

A la manière du Kinsugi (l’art de la réparation japonais, où les poteries cassées sont recollées avec de la feuille d’or, ce qui les rend plus précieuses qu’avant la brisure), les vitraux esquissent sur les peaux une mosaïque de vie, un morcellement réparé.  

La première partie du travail a été réalisé avec l’association Ikambere, qui accompagne des femmes vivant avec le VIH et qui reprennent le pouvoir sur leur corps et leur vie en général. Les dix premiers portraits réalisés seront exposés place de la Bastille à Paris dans le cadre du festival Photo Climat en septembre 2023.